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This Is How You Lose the Time War – A. El-Mohtar & M. Gladstone

J’attendais depuis longtemps de lire ce roman. La thématique du voyage temporel a toujours été l’une de mes préférées, et l’idée d’un roman épistolaire dans ce contexte offrait une promesse intrigante. Ce roman a été une très agréable surprise, allant bien au-delà de mes attentes.

L’histoire

Ce roman suit deux espionnes de deux camps adverses dans une guerre temporelle. L’une, Red, fait partie de l’Agence, une faction qui prône le transhumanisme et l’évolution technologique. La seconde, Blue, et dans le camp du Jardin, un groupe écologique, cherchant à trouver des règles de vie en accord avec la nature.

Les chapitres suivent alternativement l’une et l’autre au cours de leurs missions respectives, et sont suivis par les lettres quelles s’écrivent en secret.

Un jeu de piste poétique

L’un des premiers points à mentionner dans ce roman est le côté extrêmement ludique, poétique et particulièrement original de la façon dont les espionnes s’échangent des messages.

Chaque missive échangée est cachée d’une manière totalement incongrue (à tel point qu’on se demande comment cela est possible). Par exemple, la première lettre que Blue adresse à Red est cachée dans les cendres d’une feuille sur laquelle il est simplement écrit « Brûler avant de lire ».

Ainsi au fil des chapitres, on se prend à essayer de deviner comment le prochain message sera échangé sans que les autres participants à la guerre temporelle découvrent leur correspondance.

Books are letters in bottles, cast into the waves of time, from one person trying to save the world to another.

This Is How You Lose the Time War – A. El-Mohtar & M. Gladstone

Un conflit idéologique

En toile de fond de cette histoire d’amour épistolaire se place un conflit aussi vieux que l’humanité, celui de la modernité face à l’harmonie avec la nature. Si dans ce roman le clivage est manichéen, il se transforme, à travers l’histoire de Red et Blue, en un espoir de se rassembler malgré des opinions et idéologies opposées.

Cette opposition est omniprésente et reflète la plume des deux auteurs. Dans le vocabulaire, et les façons de parler de Red et Blue, on retrouvera des mentions subtiles à leurs camps respectifs. On retrouvera cela également dans les surnoms qu’elles se donnent à chaque nouvelle lettre. Blue appellera sa correspondante cochenille (un insecte utilisé pour fabriquer des pigments rouge carmin), Érable sucré (un arbre dont les feuilles deviennent rouge vif lors de l’été indien), Miskowaanzhe (littéralement lumière rouge dans une langue algonquine), ou encore fraise, framboise . Red pour sa part, l’interpellera avec des références technologiques: Blue-da-ba-dee (une chanson electro des années, 0000FF (la couleur bleue en hexadécimal), Blueprint (un dessin industriel sur papier bleu) ou parfois simplement Indigo.

Surtout, le texte n’apporte au travers de ses protagonistes aucune réponse en faveur de l’un ou l’autre camp, laissant libre aux lecteur·ice·s de se faire leur propre idée.

Red’s always been one for small talk. And — tomorrow’s the end. “Some things matter more than winning.”

This Is How You Lose the Time War – A. El-Mohtar & M. Gladstone

Un double paradigme temporel

Pour celles et ceux qui n’aurait pas encore lu ce roman, et qui souhaitent le lire, n’allez pas plus loin, cette section pourrait vous gâcher l’histoire.

J’ai écrit plusieurs articles sur les paradigmes temporels, et dans la plupart des romans qui utilisent le voyage dans le temps, on n’en choisit qu’un et on s’y tient (au risque de briser la cohérence du récit).

Ici, Amal El-Mohtar et Max Gladstone ont réussi le pari d’en mélanger deux, et d’une façon qui fonctionne particulièrement bien et est très satisfaisante. On a tout d’abord l’impression de se trouver dans une temporalité malléable : chaque mission des deux espionnes permet de faire tourner l’histoire à l’avantage de l’une ou l’autre des factions. C’est d’ailleurs l’intérêt principal d’une guerre temporelle, où l’on peut revenir dans le temps pour changer le cours des événements afin de gagner la guerre.

On assiste régulièrement à des passages où l’une des espionnes revient dans le temps pour faire pencher le cours de l’histoire en sa faveur, pour se rendre compte au dernier moment que son opposante lui a coupé l’herbe sous le pied, rendant impossible la réussite de sa mission. Cela fait parfois quelques nœuds au cerveau, mais est très satisfaisant, et prouve une grande maitrise de la part des auteurs.

Malgré cela, au fur et à mesure que les chapitres s’enchainent, on prend peu à peu conscience qu’il existe une boucle fixe autour de la vie des deux protagonistes. Les derniers chapitres permettent d’expliquer certains détails disséminés dans l’histoire, offrant une lumière qui donne instantanément envie de relire le livre pour mieux en saisir les subtilités.

And everyone is alive, somewhere in time.

This Is How You Lose the Time War – A. El-Mohtar & M. Gladstone

Conclusion

Lorsque j’ai fini ma première lecture de This Is How You Lose the Time War, j’ai tout de suite su qu’il allait rejoindre le haut du classement de mes livres favoris. Il s’est révélé très éloigné de ce que j’attendais d’un roman épistolaire entre deux espions dans une guerre temporelle (et je dis cela comme un compliment). Les auteurs ont réussi à créer une perle qui est, pour moi, l’un des meilleurs romans autour du voyage temporel.

Publié dans la catégorieChroniques

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