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Le paradoxe de l’Écrivain

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Souvent moins connu que le précédent, et pourtant tout aussi étrange, ce paradoxe décrit une situation où une série d’événements semblent surgir du néant, et être leur propre cause (et donc leur propre conséquence). 

Imagine que tu reviennes dans le temps avec un exemplaire de Roméo et Juliette. Tu rencontres William Shakespeare, tu lui fais lire le livre, qu’il recopie et publie. Question : qui a écrit Roméo et Juliette ?

Réflexions Passées — Eric F. Oakenart

Ce paradoxe peut prendre de nombreuses formes, mais va toujours poser une question épineuse. Les événements qui forment le paradoxe sont à la fois la cause et la conséquence. On retrouve ainsi de très nombreux exemples dans les histoires utilisant une forme de prédestination. Dans l’exemple ci-dessus, il est impossible de savoir qui a écrit la tragédie britannique, car William Shakespeare n’a fait que recopier un texte, lui-même étant une copie de l’œuvre du Barde.

Il peut d’ailleurs être poussé un peu plus loin sous la forme d’un paradoxe physique cette fois. Imaginez une héroïne revenant dans le passé, et laissant à sa grand-mère une montre qui lui a été léguée par son aïeule elle-même. On a ainsi le même objet qui remonte le temps. À quel moment cet objet a-t-il été construit ? Et comment expliquer les signes d’usures qui en théories ne peuvent qu’augmenter au fil du temps (du point de vue de la montre bien sûr) ?

Les intérêts narratifs

L’avantage de la fiction, c’est que cela laisse tout le loisir de créer des situations impossibles, et parfois même des paradoxes, au profit d’une narration qui va mettre en valeur nos protagonistes.

Si votre roman utilise une ligne de temps fixe, le paradoxe est quasiment inévitable, mais c’est là tout l’avantage de ce genre de situation. Le problème logique est que l’existence des événements qui forment le paradoxe est tout aussi cohérente que leur absence.

Si votre roman se déroule dans un multivers, alors encore une fois, un tel paradoxe est impossible. Pour le cas d’une histoire malléable, c’est un paradoxe possible et qui peut rester cohérent, mais qui va demander une plus grande rigueur dans son élaboration. Il est nécessaire que la causalité de chaque action soit bien conservée, quel que soit l’ordre dans lequel on observe les événements.

Parmi les grands classiques du genre, on va ainsi retrouver le cas où le protagoniste est sauvé in extremis d’un accident par un inconnu, pour découvrir plus tard qu’il est lui-même son propre sauveur. Ou bien l’héroïne revenue dans le passé pour empêcher un malheur d’arriver se rend compte que c’est son intervention dans l’histoire qui en est la cause. Pour aller plus loin, on peut aussi parfois lire des romans où le voyageur temporel retourne dans le passé pour fricoter avec l’une de ses aïeules, et se retrouve à être son propre ancêtre1.

S’il est parfois utile pour ajouter un peu de piment à une intrigue, l’utilisation de ce genre de paradoxe pose également une question cruciale. C’est d’ailleurs l’un des thèmes centraux de la série L’Épée de Vérité (T. Goodkind), et en particulier La Machine à présages. Dans un monde magique où les prophéties sont légion, le héros Richard Rahl met un point d’honneur à conserver la maitrise de son destin en ne se fiant qu’à ses propres décisions.


À lire

Un self made man – R.A. Heinlein (1941)
Une nouvelle qui joue avec le concept de prédestination (tout comme Vous les humains dont j’ai déjà parlé ici).
Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban — J.K. Rowling (1999)
À la fin du roman, le sorcier à lunette utilise un sort pour se sauver des Détraqueurs, et n’est capable de le lancer avec succès que parce qu’il a déjà réussi à le faire.
Le temps n’est rien – A. Niffenegger (2003)
Ce roman, qui fait partie de mes préférés, joue en partie avec ce paradoxe dans la relation entre Claire et Henri.
Le paradoxe du temps – E. Colfer (2008)
Sixième roman mettant en scène Artemis Fowl.
La machine à présage – T. Goodkind (2011)
Douxième tome du cycle de l’Épée de Vérité, dans lequel Richard Rahl est confronté à une série de prophéties de plus en plus nombreuses, et la superstition populaire face à ces prédictions.

1 : D’un point de vue purement génétique, c’est tout à fait possible !

Publié dans la catégorieDistorsions Temporelles

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