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Le temps n’est rien – A. Niffenegger

J’ai d’abord découvert l’adaptation cinématographique de Robert Schwentke, qui m’a beaucoup séduit. Lire le livre en second ont fait que je n’ai pas eu de déception vis à vis de l’adaptation, comme cela peut parfois être le cas. J’ai cependant une très nette préférence pour le roman, qui offre une expérience bien plus riche que le film.

L’histoire

Henry découvre très jeune qu’il possède une faculté unique : il peut voyager dans le temps. Il ne contrôle pas ses sauts dans le temps (ni leur durée, ni sa destination), et doit souvent improviser lorsqu’il arrive nu dans le passé ou, parfois, le futur. Il va alors rencontrer Claire, une jeune femme qui le connait déjà depuis son enfance, et qui va devenir sa femme.

On suit alors leur vie de couple, et les contraintes qu’apporte son état particulier, et qui va impacter leur tentatives de grossesse.

Une chronologie complexe

Ce roman joue sur le fait que Claire et Henri vivent leur histoire dans un ordre différent. Ainsi à tout moment, l’un des deux aura vécu des événements que l’autre ne soupçonne pas, et vice versa. Il en est ainsi, entre autre, de leur rencontre, de leur premier baiser, etc… Ainsi chacun voit la vie de l’autre dans le désordre. Cet effet est intensifié par la structure de la narration, qui est faite globalement dans le désordre, alternant des passages où Henri à 15 ans avec des scènes de son mariage avec Claire.

Cette chronologie est parfois d’autant plus complexe que dans certains chapitres, Henri se retrouve à parler avec lui même plus jeune (ou plus vieux selon le point de vue). L’ensemble permet d’appréhender la complexité de la vie décousue de Claire et Henri, et d’avoir plus d’empathie pour eux.

Y’a-t-il une logique, une règle qui régit tous ces va-et-vient, toutes ces dislocations ? Y’a-t-il un moyen de rester tranquille, d’embrasser le temps de toutes ses cellules ? Je ne sais pas. Il y a des indices ; comme pour toutes les maladies, on isole des motifs, des possibilités. L’épuisement, les grands bruits, le stress, se lever brusquement, un éclair de lumière : chacun de ces facteurs peut déclencher une crise. Sauf que… je peux être en train de lire le Sunday Times un café à la main et Claire qui sommeille à côté de moi sur le lit, et soudain je suis en 1976, et je me vois à treize ans tondre le gazon de mes grands-parents.

Certains de ces épisodes restent éphémères : c’est comme écouter un auto-radio qui peine à garder la station. Je me retrouve dans des foules, des assemblées, des bandes. Souvent je suis seul, dans un champ, une voiture, une maison, sur une plage, dans une école primaire en pleine nuit. J’ai peur d’échouer dans une cellule de prison, dans un ascenseur bondé, au milieu de l’autoroute. Je surgis de nulle part, tout nu. Comment vous expliquer ? Je n’ai jamais réussi à emporter quoi que ce soit. Ni vêtements, ni argent, ni papiers. Je passe l’essentiel de mes séjours à me procurer des habits et à chercher des cachettes. C’est une chance que je ne porte pas de lunettes.

Le Temps n’est rien – Audrey Niffenegger

Une histoire humaine

L’un des aspects qui me plaît le plus dans ce roman (et son adaptation), est que le voyage de le temps est avant tout là pour mettre en avant la vie d’un couple, et leurs difficultés. Même si l’origine de leurs problèmes est surnaturelle, les conséquences sont les mêmes que dans beaucoup de vies et de relations humaines, et on peut facilement s’identifier.

Ainsi, le roman aborde de nombreuses thématiques, comme la dépendance à l’alcool, les problèmes médicaux qui empoisonnent le quotidien, les fausses couches, le deuil. Toutes ces thématiques (et bien d’autre) font que l’on se retrouve dans toutes les pages de ce roman.

Mais la leçon la plus rude, c’est la solitude de Claire. En rentrant, je la trouve parfois irritée ; j’ai rompu le fil de ses pensées, en brisant le silence rêveur de sa journée. Parfois l’expression de son visage m’évoque une porte fermée. Elle se retranche dans la chambre de son esprit pour y faire du tricot ou je ne sais quoi. J’ai découvert que Claire aime être seule.

Le Temps n’est rien – Audrey Niffenegger

Une nouvelle version de l’Odyssée

On peut facilement voir, dans ce roman, une adaptation de l’Odyssée d’Homère. à l’instar d’Ulysse, Henri se retrouve forcé de voyager sans pouvoir controller sa destination, et devoir affronter des épreuves parfois dangereuse (même sans cyclopes ni monstres antiques). De son côté, Claire devient une Pénélope moderne, travaillant sur ses projets artistique, et devant subir l’attente de son époux, sans savoir quand il reviendra de l’un de ses sauts temporels.

C’est difficile d’être abandonnée ainsi. J’attends Henry sans savoir où il est, en me demandant s’il va bien. C’est difficile d’être celle qui reste. Je m’occupe. Le temps passe plus vite de cette façon.

Je me couche seule et me réveille seule aussi. Je me balade. Je travaille et ne m’arrête pas avant d’être fatiguée. Je regarde le vent jouer avec les détritus qui ont été ensevelis sous la neige tout l’hiver. Les choses paraissent simples jusqu’à ce qu’on commence à les analyser. Pourquoi l’amour est-il magnifié par l’absence ?

Le Temps n’est rien – Audrey Niffenegger

Paradoxes

Ce roman va un peu plus loin en posant certaines question sur le libre arbitre et le destin, deux notions opposées. Ainsi Claire reçoit pendant toute son enfance la visite de Henri, un Henri qui la connait, connait son futur et qui est amoureux d’elle. Inévitablement, elle en tombe éperdument amoureuse. De la même manière, la première fois que Henri croise le chemin de Claire, elle est folle de lui. Ainsi cette histoire d’amour entre nos deux protagoniste est à l’origine d’elle même, une version intéressante du paradoxe de l’écrivain.

-Est-ce qu’il t’arrive parfois de rester éveillée à te demander si je ne suis pas une espèce de plaisanterie que te jouerait Dieu ?

-Non. Je reste éveillée à craindre que tu disparaisses et ne reviennes jamais. Je reste éveillée à ruminer les brides d’informations que j’ai glanées sur le futur. Mais j’ai une foi totale dans l’idée que nous sommes destinés à être ensemble.

Le Temps n’est rien – Audrey Niffenegger

Conclusion

Ce roman est devenu très rapidement un best seller, ainsi qu’un grand classique, et son adaptation au cinéma en est le témoin. C’est une pépite, qui mêle poésie, science fiction, romantisme, un roman que l’on peut lire et relire avec plaisir.

Publié dans la catégorieChroniques

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